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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE.

glot les fit tressaillir. C’était simplement Charlot ; arrivé à la dernière seconde, et resté dans l’ombre projetée par la cahute, le brave garçon pleurait son ami le berger.

Ensuite, sur l’ordre du prêtre, la porte de la cabane fut fermée et ses roues démontées. Les hommes de Biville emportèrent le corps à bras. Quatre par quatre les porteurs se dirigèrent vers le presbytère de Biville. « La dépouille de notre ami restera chez moi jusqu’aux funérailles, » avait dit le curé, qui suivait avec la famille de Résort, Thomy, les Quoniam, Charlot et plusieurs autres.

L’étrange procession gravit le sentier ; après avoir fait halte à la croix de pierre, elle pénétra dans le village endormi, où tous les chiens répondirent à Pastoures, car le pauvre animal continuait à hurler entre les jambes de ceux qui emportaient son maître.

Un moment Charlot regarda Thomy alors il ses côtés. Thomy pleurait silencieusement et cela fit plaisir au bon Charlot…

Le surlendemain un brouillard humide semblait baigner les dunes et la lande pendant que les restes de Thomas Fontaine entraient dans la vieille église de Biville ; mais un pâle rayon de soleil perça les nuées grises lorsque les fidèles commencèrent à jeter l’eau bénite sur le cercueil. Après les dernières prières, devant la tombe ouverte, le curé prononça quelques paroles très simples d’une voix émue. En peu de mots, il retraça la vie, les mérites et aussi les actes de charité, dont Dieu seul connaissait le nombre, accomplis par ce juste qui aurait eu quelque excuse à devenir mauvais : enfant abandonné par des parents restés inconnus, trouvé un soir d’hiver presque mort de froid auprès de la fontaine de Thomas Hélye, d’où lui venait son nom de Thomas Fontaine, élevé par des paysans chez lesquels le pain manquait souvent, durement traité, insulté par les enfants, ses camarades, qui lui reprochaient sa naissance ; soldat ensuite et puis berger, revenu au pays d’adoption après des années d’absence, resté chrétien, résigné et profondément bon ; trouvant enfin une famille qui l’appréciait et lui confiait le soin de nombreux troupeaux, il soignait les pauvres, aidant chacun avec sa maigre bourse et sa grande expérience, jamais rebuté malgré les sottises débitées à propos de sa prétendue sorcellerie, et il mourait entouré d’âmes d’élite…

« Eh ben, tout de même, disait le lendemain la femme de l’adjoint à celle du maire de Siouville, tout de même, il faut vivre au jour d’aujourd’hui pour voir un curé, et un respectable curé, que nous vénérons tous, n’avoir pas de honte à faire un discours sur la tombe d’un sorcier, et juste comme si ce sorcier aurait été comme qui dirait un notaire ou un maire. À Cherbourg, où j’habitais dans ma