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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

verture une queue remuait très vite. Évidemment, le chien prenait goût à être ainsi dorloté.

Stop, grand lévrier de la Plata, faisait exception par sa vive intelligence aux quadrupèdes de la même famille, dont il différait par les oreilles plantées droit sur la tête ; cette tête était gris de fer, plus foncée que le corps également gris ; l’animal avait une longue queue, des pattes extrêmement fines, et entre les deux oreilles une petite bosse, signe de race.

Lorsqu’on le donna à Langelle, celui-ci naviguait seul officier à bord d’un petit brick qu’il commandait ; il s’occupa donc beaucoup de l’éducation de Stop, son compagnon inséparable durant les interminables heures des traversées et des croisières. Et le lévrier devint fort remarquable, très attaché aussi, mais point banal ; poli avec tous, il n’aimait, ne suivait que son maître, et, même les friandises, il les refusait d’une main étrangère.

Aussi Langelle s’étonna-t-il en trouvant le chien apprivoisé et content : « Je ne l’ai jamais vu agir de cette façon, dit-il ; que lui avez-vous donc fait, Résort ?

— Pauvre bête ! Je l’ai consolée la nuit dernière. Mais, si vous le permettez, lieutenant, je lui expliquerai qu’il ne faut plus courir aux chats, car réellement Stop avait commencé la bataille ; d’ailleurs il en a été le seul puni, et le chat reste sain et sauf. »

Les rires recommencèrent. « Comment vous y prendrez-vous ? fit Langelle ; parlez-vous donc la langue des bêtes ?

— Non pas, lieutenant ; cependant j’ai beaucoup causé avec un chien de berger et un petit bidet roux qui m’ont appris une foule de choses ; et chez nous à la campagne, dans ma jeunesse, il y avait une belle caniche appelée Frisette, qui détestait les chats, très fière aussi de savoir les étrangler sans attraper une égratignure elle-même. Cela désolait ma sœur. Eh bien, nous la déshabituâmes très vite de ses mauvais penchants, d’abord en élevant auprès de sa niche une portée de petits chats, qu’elle eût rougi d’attaquer à cause de leur faiblesse…

— Voyons, Résort, vous prêtez aux bêtes des sentiments meilleurs qu’à bien des humains ; d’abord ici il y a seulement cet horrible et énorme matou noir, aux yeux verts et féroces.

— Voulez-vous me laisser carte blanche, lieutenant ? et, si votre chien continue à m’honorer de son amitié, je lui apprendrai à vivre en bonne intelligence avec Pluton.

— Certainement, Résort, et je vous remercie des soins donnés à Stop. Au revoir, messieurs. Nous allons danser pendant quelques jours. Amarrez bien vos affaires. Êtes-vous contents du poste ?