Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/167

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quoi ! Et qui vous a assez fourré du sel dans l’œil avec ses histoires de brigand !

— Ah ! pour ça oui, répondit un matelot, bé sûr et bé certain, Bastien, et que nous le gobions ; mais n, i, ni, c’est fini. »

Pâle de colère et doublant le pas, Thomy pensait : « Comment me venger de tous ceux qui me raillent et m’oppriment, et par-dessus tout de ces gens des Pins ? »

Arrivé rue Ouvidor près d’un très bel hôtel, le seul qui existât alors, Ferdinand s’élança à l’étage indiqué et il se trouva bientôt dans les bras de son père et de sa sœur.

Après les instants donnés à la joie de ce revoir, M. de Résort compléta les renseignements déjà connus, en ajoutant :

« Tout à l’heure nous allons de nouveau rendre visite à M. d’Almeira, qui nous a enfin accordé une audience. S’il persiste dans son mutisme, je ramènerai Marine à ta mère, et nous nous réjouirons égoïstement d’avoir échoué après avoir accompli ce que me dictait ma conscience. »

Alors Marine se jeta au cou de M. de Résort, et, la voix brisée par les sanglots, elle s’écria :

« Mon père, j’ai si peur, je crains… Ah ! je mourrai de chagrin si vous me laissez ici.

— Non, répondit M. de Résort dont la voix tremblait cependant, non, ma petite chérie, tu ne mourras pas de chagrin, et si, ce dont j’ai l’intime conviction, ce vieillard est ton grand-père, ton devoir à toi sera de le soigner et de l’aider jusqu’à sa mort ; car, j’en suis absolument certain, cette nièce terrifie le malheureux, à qui, pour en hériter, elle ne laisse aucune liberté, aucune initiative, récompensant ainsi M. d’Almeira d’avoir recueilli elle et ses enfants.

— Ah ! répliqua Ferdinand, les yeux pleins de larmes, ah ! mon père, vous figurez-vous la maison, les Pins, le retour sans Marine ?

— Voyons, mon fils, tâche de ne pas nous enlever notre fermeté, vraiment je… enfin, que veux-tu ?… Ne vois-tu pas à quel point je suis malheureux moi-même ?

— Eh bien, père, moi j’aurai du courage, interrompit Marine, et puis quelque chose en moi me crie : Nous échouerons.

— Ah ! que Dieu t’entende, Marine !

— La voiture est avancée, » annonça un domestique.

Peu de minutes après, M. de Résort et ses enfants étaient introduits dans l’immense salon d’un beau palais datant de la conquête espagnole. Salon et palais offraient un mélange de grandeur et de délabrement, de richesse et de pauvreté, contraste qu’on remarquait alors partout à Rio, et jusque chez l’empereur.