Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/209

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essayant de leur faire comprendre cette question d’Orient, si embrouillée, si complexe, sur laquelle depuis un siècle tous les grands diplomates européens ont pâli à tour de rôle. Cependant je veux en expliquer brièvement l’origine.

L’antique Byzance reste toujours l’objectif des Romanoff depuis que leur dynastie occupe le trône de Russie ; seulement, le droit chemin n’étant guère suivi en politique, on n’y avoue jamais ses motifs véritables. Et la question des Lieux Saints, du protectorat des sujets chrétiens en Asie peut toujours, au moment propice, servir de prétexte aux Russes pour marcher sur la Turquie.

En 1853, l’empereur Nicolas crut le moment arrivé, et il se trompa en espérant avoir l’Angleterre pour alliée.

Les menaces adressées au sultan parle tsar décidèrent l’empereur Napoléon III à envoyer une flotte à l’entrée des Dardanelles, et l’escadre de la Méditerranée reçut l’ordre de mouiller devant Bésica, où elle devait rencontrer l’escadre anglaise. Mais, étant arrivé un jour après cette escadre, le vice-amiral de la Susse se vit enlever son commandement, que reçut le vice-amiral Hamelin. Le 3 juillet, pendant qu’on délibérait à Vienne, les troupes russes entrèrent à Bukarest, « répondant ainsi, disait l’envoyé du tsar, à l’apparition des vaisseaux anglais et français à l’ouvert des Dardanelles ».

En Turquie, après le grand jeûne du Ramadan, pendant les fêtes du Béïran, les passions étaient surexcitées au dernier degré, et cent soixante-trois des plus notables de l’empire accoururent à Constantinople ; là, réunis en grand conseil, tous, sauf trois, réclamèrent la guerre sainte au nom du prophète. Non sans avoir encore hésité, l’irrésolu Abd-ul-Medjid donna enfin son hatt impérial sanctionnant cette décision.

Le 8 octobre 1853, du camp de Schoumla, le généralissime des troupes, Omer-Pacha, fit sommer le prince Gortchakof d’avoir à évacuer le territoire turc sous quinze jours.

La guerre entamée entre la Turquie et la Russie allait être déclarée à la seconde de ces puissances par la France et l’Angleterre, et tout d’abord se trouvèrent annulés les traités qui interdisaient l’entrée de la mer de Marmara aux bâtiments de guerre étrangers.

Comptant chacune neuf vaisseaux de ligne, les escadres combinées étaient commandées par les vice-amiraux Dundas et Hamelin ; pour répondre à l’appel du sultan, elles avaient déjà quitté Bésica, franchi les Dardanelles et défilé devant Constantinople avant de mouiller dans le Bosphore, en rade de Béïcos (le 13 août 1853). Béïcos se trouve sur la rive d’Asie, en face de Thérapia.

Les difficultés que rencontrèrent là ces escadres dès le début de