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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/218

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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

— On croit le maréchal bien malade ?

— Il l’est plus encore qu’on ne le pense ; mais, grâce à sa puissante énergie, il ira jusqu’à ce qu’il tombe. Notre commandant en chef vient de nous être signalé à bord du Berthollet et ici il prendra passage sur le vaisseau amiral, la Ville de Paris. »

Ce fut à table qu’eut lieu la conversation précédente : le commandant du Roland avait invité le jeune officier à dîner. À la fin du repas, le premier s’écria :

« Allons, Résort, nous avons beaucoup causé, espérons que là-bas nous agirons beaucoup aussi ; je compte sur vous, mon ami, et sur tous à bord pour faire parler du Roland.

— Oui, commandant, on en parlera et on vous suivra ; ici les officiers et les hommes savent bien ce que vaut leur capitaine et qu’il les soutiendra et les guidera. »

En effet, jusqu’à la fin de sa vie le commandant et ensuite amiral de la Roncière le Noury inspira toujours confiance ; pas un chef n’eut la main à la fois aussi ferme et aussi douce et ne sut mieux se servir des qualités de ses officiers en discernant leurs aptitudes.

Le 5 septembre, à Raltchick, avant de lever l’ancre, on avait appris la reddition de Bomarsund. Le 7, les côtes n’étaient plus en vue ; en pleine mer Noire, les flottes alliées naviguaient le cap sur la Crimée. Et quelle flotte ! Le cœur des amiraux devait battre avec fierté lorsqu’ils regardaient derrière eux ces lignes de bâtiments qui marchaient dans un ordre admirable et dont les derniers en files non interrompues se perdaient à l’horizon.

Pour la flotte française :

Quinze vaisseaux de ligne, neuf frégates dont quatre à vapeur, trente-cinq corvettes ou avisos à vapeur, cent dix-sept transports de guerre ou affrétés par la marine.

En tête, le bâtiment amiral, la Ville de Paris, qui portait aussi le maréchal de Saint-Arnaud et son état-major.

Neuf vaisseaux de ligne ottomans.

Pour la flotte anglaise :

Dix vaisseaux de ligne, quinze frégates ou corvettes à vapeur et cent cinquante transports ou navires affrétés à voile et à vapeur.

En avant, le vaisseau amiral avec le vice-amiral Dundas et lord Raglan ; ce dernier commandait en chef l’armée anglaise.

Ne faut-il pas un grand effort d’imagination pour se figurer ces trois cent vingt bâtiments naviguant de conserve ?

Un coup de vent eût pourtant causé des dommages presque irréparables, mais la brise resta au nord-ouest très maniable, fraîchissant seulement à l’atterrissage, qui en fut retardé d’un jour. L’escadre