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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

« Mon général, monsieur est enseigne de vaisseau, envoyé par le général Bouat en mission auprès de vous, et porteur d’une lettre. »

Le général Bosquet considérait l’enseigne, pendant que celui-ci, assez troublé, cherchait d’abord dans les poches, où elle ne se trouvait pas, la lettre enfin découverte, remise et lue très rapidement. Alors, sans parler, le général écrivit quelques lignes sur la feuille d’un carnet. Ensuite, déchirant cette feuille, il la plia et la tendit au messager.

« Merci, monsieur, ajouta-t-il, je vois que vous faites bien et rapidement les commissions, il faut continuer. Êtes-vous prêt ?

— Tout prêt, mon général, et mon cheval dispos.

— Très bien ; allez donc remettre ce mot au maréchal commandant en chef, que vous trouverez avec son état-major sur un mamelon à un kilomètre du pont, dans l’est ; un officier de marine doit savoir s’orienter. J’ai déjà envoyé un de mes aides de camp avec le double de ceci. Mais arrivera-t-il ? Les obus balayent la plaine entre Bourliouk et le mamelon. Bonne chance, monsieur, couvrez-vous. Ah ! votre casquette est trouée. »

En effet, la casquette était percée de part en part à la hauteur du deuxième galon, chose dont Ferdinand ne se doutait pas.

« Mon général, dit-il en rougissant beaucoup, c’est, je crois…, une balle cosaque reçue tout à l’heure, au moment où je longeais un bois de chênes.

— Et le Cosaque ?

— Mon général, j’ai tiré sur lui, et je crois l’avoir atteint, car il a crié.

— Eh bien, monsieur, je crois, moi, que vous avez de la chance et du sang-froid. Au revoir, monsieur.

— Au revoir, mon général, et grand merci. »

Alors, ainsi que l’autre, le général Bosquet dit à ses officiers :

« Ce jeune homme possède une physionomie heureuse, j’aimerais à le revoir sain et sauf. Allons, messieurs, ajouta-t-il, rompez la halte, en marche jusqu’au plateau. »

À l’ombre de grands hêtres, Ferdinand galopa un instant dans la solitude. Mais là-haut, au sommet des arbres et à des intervalles égaux, il entendait un bruit singulier n’en rappelant aucun autre et qui l’intriguait beaucoup. Sa curiosité fut bientôt satisfaite.

Les arbres s’arrêtaient à l’entrée d’un village en ruines, où la moitié des bâtiments achevaient de brûler. Dans les autres on n’apercevait aucun être humain, mais des animaux courant, affolés, d’un côté et d’autre. Après avoir décrit leur cercle, de minute en minute des bombes tombaient çà et là, éclatant alors et leurs débris