Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/231

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« Je vais me retirer, répond-il, mais auparavant je voudrais voir mon petit enseigne, s’il vit encore ! » Et s’adressant à un aide de camp, le maréchal ajoute : « Dans ce cas, il doit être près d’ici, parce que je lui avais ordonné de me parler avant de rentrer à son bord. »

L’officier s’éloigne et revient bientôt en disant :

« Le voici, monsieur le maréchal. »

Un jeune homme paraît, bizarrement accoutré avec une pelisse de hussard, un képi de chasseur à la main, et un pantalon bleu déchiré en maints endroits.

En l’apercevant, le général Bosquet s’écrie : « Tiens, c’est mon officier de marine.

— Le mien aussi, ajoute un autre général.

— Oui, messieurs, c’est le vôtre, que vous envoyâtes en mission. Il m’arriva au travers de la plaine et jusqu’au mamelon, épuisé, presque nu, tenant à la main votre lettre, général Bosquet, ayant rencontré je ne sais combien d’obus et de balles, car le malheureux enfant avait pris le chemin découvert, faute de connaître celui qui se trouvait relativement à l’abri. Nous le crûmes blessé mortellement ; il nous rassura. « Je n’ai rien du tout, s’écria-t-il, rien du tout, monsieur le maréchal, ce sang est celui de mon cheval ou plutôt du cheval du général Bouat, tué et tombé sur moi. » En effet, continua le maréchal, par une sorte de miracle, cet enfant n’avait même pas une égratignure ; mes officiers l’habillèrent de quelques défroques…

— Eh bien, s’écria le général Bouat, je me doutais que le jeune homme était né sous une heureuse étoile.

— J’ajoute, dit le général Bosquet, que je suis très heureux de le revoir et que nous en parlerons à son commandant ; n’est-ce pas, monsieur le maréchal, vous en direz un mot à l’amiral Hamelin ?

— Certainement ; mais qui sait ? rien ne vaut le moment présent. »

Alors, s’adressant à l’un de ses officiers d’ordonnance, son gendre : « Puységur, dit le maréchal, donnez-moi votre croix. Très bien ; avancez, monsieur l’enseigne ; comment vous nomme-t-on ? »

Ému, tremblant, rougissant jusqu’aux cheveux, Ferdinand reste immobile. Le général Bouat lui prend la main et répond :

« Il s’appelle Ferdinand de Résort. Si j’ai bonne mémoire, n’est-ce pas votre nom ?

— Oui, mon général, oui, monsieur le maréchal, dit enfin Ferdinand conduit auprès du commandant en chef.

— Eh bien, monsieur de Résort, au nom de l’empereur, je vous fais chevalier de la Légion d’honneur ; approchez, je vous attacherai