Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsqu’il vit l’équipage réuni sur le pont des gaillards ou entre l’avant et l’arrière :

« Hissez la trinquette[1] ! » cria-t-il.

« Hissez la trinquette ! » répéta après lui l’officier de manœuvre.

Une caliorne est promptement disposée sur le gaillard d’avant ; les gabiers de beaupré viennent de la frapper sur le point d’écoute de la solide voile de cape. Toute la bordée disponible est à côté, rangée sur la drisse, afin de hisser la trinquette aussi rapidement que possible. Plusieurs hommes sont renversés ; vite relevés, ils reprennent leur place, malgré les embruns et cet infernal roulis… On ne comprend pas encore, mais l’espérance renaît parce qu’on agit…

Les officiers que le devoir n’appelle pas ailleurs entourent leur chef, chacun s’accroche après ce qu’il a trouvé sous sa main.

« Commandant, dit l’officier de quart, la trinquette est parée.

— Amarrez les mousses aux bouées ! » ordonne le commandant, et à demi-voix, s’adressant à l’officier de service, il ajoute :

« Attachez également M. de Résort et ensuite les plus jeunes matelots, s’il reste quelques bouées.

— Il n’en restera pas ; nous en avons seulement onze, et il y a dix mousses.

— Parfaitement. Ah, qu’est-ce donc ? s’écrie le commandant entendant le bruit d’une altercation.

— Commandant, répond un officier, M. de Résort refuse d’être attaché. »

Ferdinand, très excité, s’approche en disant :

« Commandant, je veux courir les mêmes dangers que vous.

— Vous voulez, monsieur ? eh bien, moi, j’ordonne. Vous voilà mon hôte, blessé, incapable de nager, si par hasard on peut nager. D’ailleurs, je n’entends pas qu’on ait ici une volonté en dehors de la mienne. Allez, monsieur, et obéissez.

— Oui, commandant, dit Ferdinand qui laisse attacher les cordelettes de la bouée autour de sa taille.

— Ah ! s’écrie l’officier de quart, trois sur quatre des chaînes des ancres ont cassé, et nous chassons.

— Je pensais que cela allait arriver, » murmure le commandant, et à haute voix : « Mouillez les deux ancres des chaloupes à l’arrière du vaisseau, larguez la chaîne de la grosse ancre : à border la trinquette, la barre droite et le cap sur la terre. »

Les commandements retentissent, répétés d’un gaillard à l’autre ; ils sont à mesure exécutés avec ordre et rapidité. Chacun comprend

  1. La trinquette, voile de fortune.