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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/272

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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

« Avez-vous une peine, ajouta-t-il, ou bien un souci que vous n’osiez avouer devant moi ?

— Non, monsieur ; oui, monsieur, je voudrais… mais je parlerai très bien en votre présence. Seulement… »

Marine se tut de nouveau ; les yeux pleins de larmes, elle regardait encore Le Toullec.

« Eh bien, moi, je parlerai, » s’écria Paul en tapant de toutes ses forces son petit poing sur la table.

Au bruit : Wap, wap, fit Stop. Couic, couic, cria Mademoiselle. Quant à Pluton, blotti sur les genoux de Marine, il filait tranquillement, ses yeux verts à demi fermés.

« Oui, je parlerai, continua Paul, et Marine aura beau me faire des signes, je dirai ce qu’elle n’ose pas vous avouer.

— Ne contrariez pas votre sœur, dit Langelle, vous voyez bien qu’elle pleure.

— Veux-tu bien ne pas lui faire de peine, petit monstre ! ajouta Le Toullec, qui se leva et vint prendre la main de la jeune fille.

— Je ne suis pas un monstre, répliqua Paul en riant, mais un bon garçon ; Marine le sait bien, et elle me l’a répété tout à l’heure dans la rue lorsque je lui ai dit : « Tu as raison, ma petite sœur ; sois tranquille, je soignerai maman juste comme tu la soignais. Et pourtant, c’était une fameuse chance, celle de voir Constantinople avec maman et toi… »

— Ah ! interrompit Langelle, je devine, vous voulez partir, mademoiselle ; mais c’est impossible, seule à votre âge ! Mme de Résort n’y consentira jamais.

— Mais si, mais oui, s’écria Paul, maman y consent. Dame, ça n’a pas été tout seul ; Marine a prié, supplié toute la nuit, moi aussi quand je me réveillais ; je ne m’étais pas couché, mais de temps en temps, assis au pied du lit de maman sur un fauteuil, le sommeil m’empoignait… »

Les deux messieurs pensaient, très étonnés : « Comment laisser aller cette enfant aussi loin, sans protection ? Et si, ce qu’à Dieu ne plaise, elle arrivait après la mort de celui qu’elle allait soigner ? Certainement, bien des officiers en auraient pitié, mais… »

Marine paraissait encore plus perplexe. Enfin, brusquement, elle se leva, sans penser à Pluton, qui, jeté à terre, prit un air très offensé. Alors, s’approchant tout près de Le Toullec, et à voix très basse :

« Commandant, dit la jeune fille, j’ai pensé, j’ai dit à maman, pour la convaincre, et en effet cela a fini par la décider… J’ai dit que… que… vous…