Aller au contenu

Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/313

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
PROPOS DE GUERRE ET D’HYMEN.

c’est la déconvenue des médecins. Et réellement, vous eussiez tous ri de bon cœur en voyant les grimaces de la momie devant les docteurs lorsque ceux-ci n’osèrent plus se refuser à l’évidence.

« Je ne danserai certainement jamais, continua Keith, je boiterai probablement toute ma vie ; mais je ne souffre pas et mes jambes reprennent de la force chaque jour. » Alors, d’une voix émue, il ajouta :

« Mlle Marine pourrait vous dire ce qu’étaient mes blessures, qu’avec ses petites mains elle soignait sans dégoût. »

Marine rougit vivement. Et puis Ferdinand demanda encore cent choses à propos de la sorcière et de l’ambulance de Scutari.

… Un matin, Ferdinand et lord Keith se promenaient dans le jardin de la villa. Interrogé, le premier répondit, puis il questionna à son tour ; mais alors Harry parut embarrassé, hésitant… Bientôt la conversation tomba tout à fait.

Au bout d’un instant, Ferdinand se planta devant son ami, qu’il regarda bien en face.

« Mon cher Harry, lui dit-il, voulez-vous me permettre de lire dans vos pensées ?

— Mon Dieu, Résort, vous n’avez rien à y lire que je désirasse vous céler.

— Parlez donc franchement ! »

Mais l’autre restait muet.

« Eh bien, reprit Ferdinand, vous me permettrez, mylord Keith, de vous dire à quel point mon amitié souffre de cette méfiance.

— Résort, je ne me méfie en aucune façon ; seulement, ayant aussi cru deviner vos pensées, vos projets, ceux de vos parents…, vous comprenez, my dear, et puis vous êtes mon ami… Enfin, je voulais…

— Allons, Keith, tachons de rester dans la vérité, et, Dieu merci, vous en êtes bien loin. Mon cher ami, en deux mots, répondez, au nom de notre affection. Est-il vrai que, désirant obtenir la main de Marine, vous n’osiez en parler à mes parents, parce que vous vous imaginez que moi-même je songe à notre petite épave ?

— Oui, telles sont mes pensées, vous jugeant d’ailleurs plus digne…

— Bah ! mon cher Harry, vous jugiez mal. Marine n’est pas ma sœur ; cependant je la regarde comme telle, et jamais ce sentiment n’a varié et ne variera. Je suis également persuadé que mes parents n’ont pas une fois songé à unir leur fille adoptive et leur fils. Ah ! il ne faut pas vous évanouir, » s’écria Ferdinand en prenant le bras de son ami.

Harry avait pâli soudainement. « C’est la joie, dit-il en souriant,