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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/315

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PROPOS DE GUERRE ET D’HYMEN.

En effet, le soir, lorsque la famille était réunie autour du feu, Stop endormi pleurait parfois ou hurlait d’une façon lugubre. Il agissait de même dès qu’il apercevait un marin en uniforme.

Laissant de côté Paul et ses amis, Ferdinand s’approcha de Marine, et brusquement, avec de la malice plein les yeux :

« Ma petite sœur, dit-il, je sais que tu m’approuveras d’avoir parlé en ton nom, t’évitant ainsi une réponse pénible. Écoute donc. Tout à l’heure, Harry m’a sondé à propos d’une idée assez bizarre : il voulait demander ta main à nos parents, mais je l’en ai dissuadé.

— Pourquoi ? » s’écria Le Toullec abasourdi. Marine, rougissant violemment, regarda son frère et ne crut pas un mot de ce qu’il disait. Alors à demi-voix :

« C’est-il bien vrai, dit-elle, ce petit mensonge-là ? Apprends-moi quelles raisons tu donnais à ton ami ?

— Mais son infirmité…, Harry boitera toute sa vie… »

Marine secoua la tête de plus en plus, convaincue. Voyant, qu’elle n’était pas sa dupe, Ferdinand lui avoua l’entière vérité. Quand il eut achevé :

« As-tu besoin de quelques jours de réflexion ?

— Non, Ferdinand, pas de quelques jours, non plus de quelques heures, et, puisque tu me parles ainsi, c’est avec le consentement de nos parents. Quant à ce que tu appelles l’infirmité de lord Keith, toi et moi savons qu’une bien plus grande me déciderait au contraire…

— Et comment as-tu aussi vite percé ma malice ?

— Tes yeux t’ont trahi, et puis j’avais… vois-tu, répliqua Marine en rougissant de nouveau et la tête cachée dans le cou de son frère, j’avais… quelques… petits… pressentiments…

— Véritablement, mille… Non, s’écria Le Toullec, non les pareils n’existent pas sur la terre. Ferdinand et la petite fée sont uniques dans leur genre. Que le bon Dieu daigne les bénir, mille millions de… de…, » ajouta le brave homme dont un sanglot coupa la parole.

Le soir, après avoir causé un moment seuls, les fiancés aperçurent une ombre de tristesse sur les fronts de ceux qui avaient recueilli, aimé, comblé l’orpheline.

Alors la jeune fille vint s’agenouiller devant M. et Mme de Résort.

« Voici, leur dit-elle, ce que nous avons résolu : Mylord Keith quittera l’armée, il aime beaucoup notre pays, et puis il sait que je ne pourrais être heureuse loin de vous deux, loin de mes frères et loin de mes amis. Nous vivrons donc en France la moitié de l’année, en nous établissant très près de vous, et, tant que cela vous sera possible, mes bien-aimés parents, mes frères, mon bon commandant, vous suivrez votre petite Marine lorsqu’elle habitera l’Angleterre.