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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE.

Avec ses yeux brillants, sa figure brune et ses traits contractés, il ressemblait à un singe en colère. Thomas le maintint là où il était malgré ses cris et ses efforts.

Ayant écrit la déposition des assistants, le commissaire s’adressa au maire de Siouville, en lui demandant s’il voulait prendre soin des deux enfants jusqu’à ce que l’on connût la nationalité du bâtiment naufragé : ce qui ne tarderait pas, puisque des matelots, sous la conduite d’un officier, étaient déjà occupés à recueillir les épaves le long des plages environnantes.

Pendant que le maire se grattait la tête d’un air embarrassé, le lieutenant de vaisseau, qui causait à demi-voix avec Mme de Résort, se chargea de répondre.

« Messieurs, dit-il, madame, que j’ai l’honneur de connaître, désire garder les enfants chez elle jusqu’à ce que le consul de leur pays puisse les reconnaître et les rapatrier.

— Alors, s’écria le père Quoniam, j’allons chercher quéques couvertures et des vêtements pour le gars. Pied-Blanc conduira ensuite aux Pins ceux qui ne pourront point marcher. »

Vu les circonstances, tout paraissait arrangé le mieux possible, les officiers approuvèrent le plan et s’amusèrent un instant à écouter Pied-Blanc et son maître discuter ensemble ; mais évidemment le petit cheval avait compris qu’il devait se hâter, car il partit à fond de train et revint de même trois quarts d’heure après.

Envoyés par Fanny, des effets de Ferdinand revêtirent le petit naufragé, qui ne pleurait plus et se laissait docilement habiller par Thomas.

De son côté, et avec des précautions toutes maternelles, Mme de Résort enveloppa la petite fille dans une de ses robes de chambre longue et chaude, ensuite elle-même emporta l’enfant et l’étendit sur ses genoux dans la carriole.

Et puis chacun retourna à ses affaires. La main du garçon dans la sienne, Thomas conduisit ce dernier aux Pins, après avoir répondu poliment, mais sans aucun embarras, aux louanges des deux officiers, mis au courant de sa courageuse initiative. L’aide de camp du préfet lui donna même une très cordiale poignée de main en disant :

« Je sais que vous avez servi et je serai très heureux de parler de vous à l’amiral ***. Ne pourrais-je vous être utile en rien ? N’avez-vous aucune demande à adresser ?

— Non, répondit Thomas ; j’ai ma pension de médaillé de Sainte-Hélène ; vous n’en êtes pas moins très bon, mon capitaine, et je vous remercie beaucoup, mais je ne demande rien. »