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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/57

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« Quel imbécile, disait le soir à sa femme le maire de Siouville, quel sot que ce Thomas de refuser les services qu’on voulait lui rendre ! Moi, je lui faisais signe d’accepter ; ah ben oui, autant parler à un dindon. »

À son tour le docteur serra vigoureusement la main du berger, en s’écriant : « Eh bien, ces enfants vous doivent une fière chandelle, père Thomas, et à vous aussi, madame, » ajouta-t-il en s’adressant à Mme de Résort qui venait de monter dans la carriole.

« J’ai simplement suivi les conseils de Thomas, arrivé d’ailleurs bien avant moi, répondit la dernière.

— Oui, reprit le docteur en riant, on trouve le sorcier partout où il peut être utile, et ce n’est pas la première fois que je m’en doute. »

Et il serra de nouveau la main de Thomas, qui salua, sans paraître intimidé.

Personne ne voulut écouter la déposition des commères ; celles-ci, fort indignées, se décidèrent enfin à retourner dans leurs villages respectifs, où elles furent mal reçues par leurs maris, dont la soupe ne s’était pas trempée toute seule.

Mais, en s’en allant, elles se répétaient les unes aux autres :

« Voyez-vous ce berger enjôlant jusqu’aux officiers et aussi le médecin, un homme d’âge cependant et un brave homme celui-là, qui n’a pas honte de serrer la main d’un sorcier, et la dame du Pin aussi et le père Quoniam !… Cependant, sûr et certain, c’est par ses sorts et avec l’aide du « Malin » que Thomas a rappelé ces deux morts à la vie, et il n’en arrivera rien de bon, ni au garçon ni à la fille, à moins que M. le curé ne veuille s’en mêler. Mais M. le curé n’a-t-il pas dit, pas plus tard que l’autre semaine, à la Phrasie… Tiens, voilà justement la Phrasie : conte-nous donc, Phrasie, qué qui t’a dit M. le curé en parlant du sorcier ? »

Et celle qu’on interrogeait ainsi répondit avec un gros rire :

« Et dà, y m’a dit M. le curé en propres paroles : « Je m’étonne, la Phrasie, qu’une chrétienne que j’ai baptisée, communiée et mariée, répète des sottises pareilles et soit assez stupide pour croire aux sorciers, aux sorts et aux quécétéras. » Et il a dit tout ça, foi d’honnête femme, et je ne mens point. Et à preuve que nous cheminions le long de la lande à la fontaine au Bienheureux, ousque le sorcier fut ramassé avant ma naissance et par défunt mon oncle Gros-Pierre, qui m’en a souvent entretenue. Pour lors je lui répondis à notre pasteur. « Eh, monsieur le curé, je crois bien aux sorciers, pisque j’en vois un bien des fois, et aux sorts aussi, que cetit-là en jette aux vaques et aux viaux, mais aux quécétéras je n’attache