Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/89

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sageries s’arrêtaient à cette époque, la ligne du chemin de fer de l’Ouest n’étant pas terminée au delà de Caen.

Une grosse servante se présenta :

« Est-elle arrivée ? cria le petit garçon.

— Qui, mon joli monsieur ?

— La malle-poste de Caen.

— Non vraiment, on ne l’attend point avant onze heures et demie. »

Il fallut se résigner et patienter. On commanda le déjeuner et on se promena dans les rues, sur les quais ; on fit aussi quelques emplettes dans un bazar dont la propriétaire, qui avait autrefois habité Biville, s’empressa auprès des acheteurs, en s’écriant :

« Eh, bonjour, commandant, madame, mademoiselle, et la compagnie, choisissez. Et que je suis donc aise de vous voir tous en si belle santé. C’est-il Dieu possible, comme Mlle Marine a grandi ! presque aussi haute que sa mère ! et rose et fraîche ! ça nous pousse ces jeunesses, n’est-il pas vrai, madame ? » Alors, tout en hésitant un peu, mais emportée par sa franchise, la bonne femme ajouta : « Je ne puis faire à M. Ferdinand la même louange qu’à sa sœur ; depuis cinq ans que je n’ai eu l’honneur de voir la famille, le jeune homme n’a point crû.

— Je m’appelle Paul, s’écria le petit garçon en riant de tout son cœur, vous me prenez pour mon frère, déjà plus grand que papa, quand il est parti. »

La marchande s’excusa, très confuse de sa méprise, et afin de la consoler on acheta davantage chez elle.

Pour les étrangers l’erreur était compréhensible, en ce sens que Paul, de neuf ans plus jeune, ressemblait trait pour trait à son aîné.

Onze heures un quart. Groupée sur le quai, la famille regardait au loin, guettant l’arrivée de la malle, qui se montra enfin au tournant de la route de Paris.

Les chevaux brûlaient le pavé, le postillon agitait son fouet et le conducteur sonnait la joyeuse fanfare du retour.

On se précipita dans la cour de l’hôtel en se rangeant sur le perron, et la malle-poste n’était pas encore arrêtée qu’un jeune homme en ouvrait la portière et tombait dans les bras tendus vers lui.

« Mon père ! maman !

— Mon enfant ! Mon chéri !

— Dinand !

— Marine !

— Paul ! »

Bientôt l’heureuse famille se trouva réunie dans un salon parti-