Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/100

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députés se targue de citer (de travers, du reste !) le mot de Montaigne à propos de « la tête bien faite » plutôt que « bien pleine ». »

— « Et je suppose, dit le diable, que c’est afin que vos enfants aient la tête bien pleine que vous leur faites apprendre l’histoire, par exemple. »

— « Il faut bien qu’ils l’apprennent », reprit Francœur.

— « Est-il vraiment si nécessaire de leur bourrer le crâne de l’histoire de tous les sacripants qui se sont succédés à travers les âges ; l’histoire d’Adam et d’Ève, ces imbéciles voleurs de pommes ; celle de Caïn le fratricide ; celle de la mère de Jacob, qui enseigna à son fils cadet comment voler l’héritage de son ainé Esaü, etc., etc. jusqu’à celle de Hitler qui massacra huit millions de Juifs, pour se venger d’une Juive qui lui avait généreusement donné la syphilis ? Il n’y a pas à dire, elle est « ragoûtante », votre histoire !… Et c’est de cette pâture-là que vous gavez l’intelligence et le cœur de vos enfants ! »

— « Même si je vous concède cela, monsieur le diable, répondit Francœur, il faut admettre qu’il y a quelques beaux passages dans notre histoire. Il y a les hauts faits de ceux qui furent réellement les bienfaiteurs de l’humanité. »

— « Je vous le concède, mon cher Francœur. Mais avouez que ce n’est pas l’histoire de ces héros-là qui passionne vos enfants et excite leur enthousiasme. Voyez-vous, ces bienfaiteurs n’ont jamais brandi d’épée, n’ont jamais massacré personne, ni conquis d’empire. Vos enfants trouvent ces vies-là trop monotones pour s’y arrêter. »

— « Moi, fis-je, j’ai envie de dire qu’apprendre l’histoire est bien inutile, puisque, suivant le dic-