Page:Nau - Force ennemie.djvu/155

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Elzéar Roffieux qui devait me venir voir le lundi qui suivit mon réveil dans la maison de santé, ne fait son apparition à Vassetot que six semaines après ma « mise à l’ombre ».

Il entre dans ma chambre sans s’être fait annoncer et montre en cela un certain discernement car, prévenu, j’aurais pu me mettre en boule, me hérisser, lui préparer enfin un accueil encore plus désagréable que celui qu’il reçoit.

Je remarque immédiatement que ses inquiétudes à mon sujet ne l’ont point décharné, qu’il demeure, comme par le passé, d’aspect grave, énergiquement amène et florissant. Je dis énergiquement amène ; je ne dis pas aimable, — d’une native, involontaire, débordante amabililé : Elzéar est avant tout un « homme de devoâr » et un « homme de caractère » : On ne « la lui fait pas ». Il est « gentil » quand il le veut bien, mais c’est une concession de sa part. Sa bonne grâce est calculée ; il ne la prodigue jamais inutilement. Il la sort quand il est convenable, quand il est de son devoâr de l’exhiber de façon temporaire. Il paye certaines choses avec cette monnaie, mais à leur juste prix et à l’heure opportune.

Ce jour-là, il s’avance vers moi, la main tendue, un indulgent, — et pourquoi ne dirais-je pas : un sérieux sourire de Mentor faisant houler sa moustache brune qui flue dans une barbe un peu plus sombre sans se confondre avec elle. Sa figure pleine, d’un rose discret, contraste assez joliment avec la