Page:Nau - Force ennemie.djvu/316

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quiétant et comme hostile, les bruits frôlants et tristes de la mer qui semblait cracher des menaces, les lueurs louches des feux de position dans la brume d’Érèbe, les cris sinistres de l’homme de bossoir perdu à l’avant, penché sur le gouffre d’encre, les navrantes sonneries d’heure en heure, tout cela parlait de mort et d’abîme. Mais si un fort coup de vent se mettait de la partie, la vie n’était plus tolérable. Quand, accablés de fatigue, à peine réchauffés par nos couvertures, nous étions réveillés en sursaut par l’affreux cri : « En haut le monde ! », je me sentais une âme d’assassin, j’aurais volontiers étranglé le Capitaine, le Second et le Maître d’Équipage par-dessus le marché. Nous bondissions hors de nos « cabanes », à demi vêtus, en pantalon et en tricot, sans même songer à remettre nos bottes, et nous jaillissions — littéralement — du poste des matelots. Nous titubions sur le pont balayé de lames glaciales, nous roulions les uns sur les autres, nous relevions et c’était une confusion de chocs, de chutes, de sauts épileptiques sur les planches glissantes, visqueuses, puis inondées, une folie d’ordres et de contre-ordres, une démente gymnastique d’escalades et de dégringolades dans les haubans, sur les hunes, sur les marchepieds de « grand voile », de « fixe », de « volant », de « perroquet » et de « cacatois », puis de nouveau sur le filin de la basse mâture, sur les hunes, sur les enfléchures dansantes mais plus solides à mesure que l’on descendait, puis sur le