Page:Nau - Force ennemie.djvu/8

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contemporain et une sorte de tour en bois[1] toute plissée de lamelles de jalousies.

Eh oui ! c’est bien cela ! Et je reconnais, là-bas, cette colline frisée de bosquets ; plus près, ce petit clocher frêle d’un gris doux que rosit un peu la verdure ; et, sur cette butte rougeâtre, l’orme solitaire qui paraît géant. Comment tout ce paysage peut-il m’affecter à la même minute — et comme un spectacle habituel et comme une vision perdue dans le vague des temps ? Singulière contradiction qui me trouble d’une bizarre inquiétude : serais-je devenu très vieux sans le savoir ? Aurais-je sommeillé des lustres ou un siècle ? Suis-je une espèce de très ridicule, de très vilain « Beau au bois dormant » ?

Ces sottes idées m’écrasent d’une si lourde tristesse, d’une si oppressante « pesadumbre », — diraient les Espagnols, — que je veux tout oublier, de nouveau.

Je me recouche, laisse tomber ma tête sur l’oreiller et ferme les yeux… À moi les bons menteurs de songes ou la divine inconscience !

Cllaccfffrrr… Ce bruit dur, — autoritaire et menaçant, dirait-on, — me terrifie au point de me paralyser. C’est à peine si j’ose entr’ouvrir les paupières et ce que j’aperçois ne me rassure nullement : un guichet bée dans la boiserie, au-dessus de ma tête ; deux yeux bleus très pâles me dévi-

  1. J’ai su plus tard que c’était un séchoir !