Page:Nau - Les Arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie, du VIIe au VIIIe siècle.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donné l’Arabie pour se fixer au milieu des Arabes qui avaient été chrétiens ; ‘Ali à l’est, à Coufa (Hira), Moawia à l’ouest, à Damas, et, tandis que ceux-ci pratiquaient et propageaient l’islam, les Bédouins du Hidjaz ne sortaient pas de leur rôle traditionnel qui était de ne se préoccuper ni d’écriture[1] ni de religion, mais seulement de rançonner ou de piller les caravanes, pieuses ou non, qui rayonnaient vers La Mecque.

Les orientalistes connaissent bien cette opposition entre les pratiques des Bédouins du Hidjaz, premiers compagnons de Mahomet, et les fondements de l’islam, qui sont la croyance en un Dieu unique, la prière, le jeûne et l’aumône. Nous nous efforcerons d’en rendre compte en compilant ce que les auteurs syriens nous apprennent des Arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie ; il sera facile ensuite de retrouver dans le Qoran leurs pratiques, leurs qualités et leurs défauts et on sera sans doute conduit à conclure, comme nous le disions plus haut, qu’il a été écrit pour eux[2].

  1. Les Arabes de Syrie seuls (sauf nouvelles découvertes) avaient un alphabet avant l’hégire. Moawia, fixé à Damas, avait cependant motif de s’intéresser beaucoup au Hidjaz, puisque ses propriétés dans cette région « lui rapportaient annuellement 150.000 charges de dattes et 100.000 sacs de céréales » (cf. H. Lammens, Le Berceau de l’islam, Rome, 1914, t. I, p. 167). Il a donc pu fournir à son parent ‘Othman des scribes syriens, lorsque le vieux calife a voulu mettre par écrit les répertoires des récitateurs du Qoran. Noter que Moawia a su utiliser ce livre à Siffin, où les Arabes de l’est et de l’ouest du désert syrien étaient aux prises une fois de plus. Il en a appelé au « Livre de Dieu », cri qui ne pouvait être compris que des chrétiens accoutumés à vénérer l’Évangile. Les Bédouins du Hidjaz, qui avaient massacré ‘Othman sur son « Livre de Dieu », ne se seraient pas arrêtés pour si peu ; cf. chap. vii, 4.
  2. Nous ne donnons pas une démonstration complète de ce dernier point ; car nous ne toucherons que très incidemment au Qoran, pour nous attacher seulement à nos Arabes chrétiens. Notre travail doit donc être complété par les articles publiés par M. K. Ahrens dans la Z.D.M.G., t. LXXXIV, 1930, Christliches in Qoran. Nous les résumerons au chapitre x.