Page:Nau - Les Arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie, du VIIe au VIIIe siècle.djvu/9

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chameaux et détroussé les caravanes — car ce sont là les deux pôles entre lesquels oscillait d’ordinaire l’activité des Arabes. — Les premiers califes ont établi en Arabie des haras, des parcs réservés, des domaines d’état, sans oublier leurs propres intérêts et ceux de leur nombreuse postérité… Ces domaines, lentement agrandis et améliorés, acquirent bientôt une valeur et des prix fantastiques. On parle de 900.000 dirhems, équivalant à un million de notre monnaie. Du vivant de ‘Ali, ses domaines du Hidjaz lui rapportaient déjà la somme rondelette de 100.000 dirhems… Les Zobaïrites possédaient une propriété couverte de 20.000 palmiers. Plus tard, les puits ont été abandonnés ou même comblés, les palmeraies brûlées, les guerres n’ont plus fourni des esclaves pour l’entretien des propriétés qui ont donc disparu et le désert a tout recouvert[1].


2. — Le rôle principal de l’Arabie, comme de tous les pays pauvres, a été de peupler les pays plus riches. Il n’est pas nécessaire de supposer que, depuis les temps historiques, il y a eu des modifications dans son régime d’eau, car les ruines qui couvrent bien des parties de l’Arabie ne diffèrent guère de celles qui couvrent la Syrie et le Hauran, et ici et là les changements tiennent surtout au régime politique et au manque de travail. En sus des infiltrations qui ont toujours lieu et en suite desquelles, comme l’a écrit M. Dussaud, le nomade installé en pays sédentaire perd en général sa langue et ses coutumes, il a pu y avoir de temps en temps des infiltrations plus massives. Un courant continu porte les nomades du centre de l’Arabie vers le nord et vers le désert de Syrie, pour pousser de là vers la Mésopotamie, le Liban et la mer. Cette poussée des pays pauvres vers les pays plus riches a eu lieu de tout temps avec plus ou moins d’intensité et de succès, et il nous a semblé[2]

  1. Cf. Le Berceau de l’islam, Rome, 1914, p. 94 à 99, etc. Dans la vallée de Khaïbar, fief des Juifs de Médine au début de l’hégire, « on voit de nombreuses ruines de châteaux forts et de villages, il n’y a plus qu’une forteresse encore existante qui domine le pays » ; cf. Cl. Huart, Histoire des Arabes, Paris, 1912, t. I, p. 156. L’islam a dépeuplé aussi cette région.
  2. Cf. L’Araméen chrétien, dans la Revue de l’Histoire des Religions, t. XCIX, mai-juin 1929, p. 232-239.