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Vers la Fée Viviane

Contemporain du papa de la Reine Hortense,
Je me figure bien que tu te seras dit :

« Moun-là, c’est sûrement un « habitant » des mornes ;
Il possède une vieille mule couronnée
Ou une jument de vingt ans, boiteuse et borgne
Qui lui sert à porter de l’herbe de Guinée,
Du gombo et des pois d’Angole
De son champ aux habitations isolées
Perdues en l’émeraude et l’azur des hauteurs.

Comme il a fait un beau coup sur les sapotilles
Ou les pommes-cannelle avec un revendeur,
Il est descendu par de petits chemins bleus
Ombreux de galbas et de lianes à vanille
Pour causer avec les « ti filles » de la ville.
Dans sa broussaille, il n’a que des sorcières noires
Et plus vernies que des bâtons de cacao,
Ou des « chabines »[1] aux pâles yeux de crapauds,
Aux joues tachées de bis comme les vieux ivoires
Et aux cheveux en rêches bourres de coco.

  1. Mulâtresses blondes-rousses.