Page:Naudet - Notice historique sur MM. Burnouf, père et fils.djvu/56

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ment et l’agrément à la fois ; ce bon ton, cette bonne grâce de manières et de langage, cette solidité de conversation revêtue d’élégance, instructive sans pédanterie, aimable sans affectation, ce ton exquis d’une douce malice qui se jouait avec tant de finesse et de légèreté sur ses lèvres pour s’échapper en traits inattendus et piquants et, ce qui réussit plus que toute autre chose auprès des hommes qui veulent qu’on les amuse, l’art de se moquer d’eux sans qu’il y paraisse ? Abel Rémusat l’avait connu tout jeune encore, et s’était attaché à lui par goût et par sympathie ; c’étaient deux esprits de même race.

Mais le monde réclamait inutilement. Le moyen d’aller veiller le soir dans les salons ? Il serait rentré souvent à l’heure où sa matinée commençait ; car il ne se croyait matinal qu’en se mettant à l’ouvrage à trois heures après minuit. Il ne sortait guère que pour aller vaquer à ses devoirs d’académicien et d’inspecteur des caractères orientaux à l’Imprimerie impériale. Et ne trouvait-il pas chez lui, dans les entretiens de quelques amis et au sein de sa famille, tout ce qui plaît à l’esprit et au cœur ?

Cependant de tels hommes, quelle que soit leur modestie, ne peuvent pas s’ignorer eux-mêmes ; ils ont conscience de ce dont ils sont capables, et, partant, de ce qu’on a droit d’exiger d’eux. Eugène Burnouf pressentait tous les services qu’il rendrait à l’Académie par l’aménité attrayante de son esprit, par la vertu pratique autant que spéculative de son intelligence, par le tempérament conciliant de son caractère, si la compagnie venait un jour à lui confier le soin de son régime intérieur. Dans sa pensée, le bien qu’il pouvait faire devenait un devoir ; ses amis l’encourageaient dans ce des-