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Page:Nebout - Le Drame romantique, 1895.djvu/242

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LES PASSIONS ET LES CARACTÈRES
VII

L’amour romantique peut résister même à l’honneur et à la foi jurée (Hernani), ce qu’il ne faisait pas aux temps chevaleresques, parce que cet amour romantique, au nom de Dieu et de l’immortalité dont il se réclame, se met au-dessus des préjugés de ce monde.

Il est à remarquer qu’il respecte pourtant les vrais devoirs ; dans le théâtre de Victor Hugo, il n’y a pas d’adultère parce que l’amour romantique est un sentiment qui, dans l’esprit des poètes, ne peut que purifier, qui. lave même les souillures de l’âme (Marion de Lorme). Cet amour ne peut donc devenir immoral et déshonnête ; le devoir conjugal doit être sacré pour lui ; déjà, dans Rousseau, Julie, encore fille, succombe, car ce qui passe pour un devoir social, la pureté de la femme qui n’est point encore mariée, cède à l’amour ; mais Julie, précisément parce qu’elle a eu le courage d’obéir à son amour, saura lui résister quand le vrai devoir sera là. Que cette résistance soit dure et pénible, pleine de luttes, c’est pourquoi elle est méritoire ; mais Julie mourante, délivrée de ce devoir qu’elle a respecté, pousse avec son dernier soupir un cri d’amour pour l’homme à qui la mort la rend. Une héroïne classique n’oserait pas, même dans la délivrance de la mort, retomber du devoir si longtemps gardé dans la faiblesse domptée ; pour l’héroïne romantique, l’amour, union immortelle des âmes, reprend ses droits dès que le devoir conjugal, chose passagère et terrestre, n’est plus.

Est-ce à dire que tous les auteurs romantiques soient restés dans ce juste milieu, dans ce respect du devoir sur terre concilié avec le respect d’un amour immortel ? Non. le cas de Pauline et de Julie est étudié dans « Jacques » de George Sand, et, comme Saint-Marc Girardin l’a fort