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Page:Necker - Derniers conseils de M. Necker au Roi - 1789.djvu/2

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Le Roi.Vous devriez donc bien eſtimer Calonne ?

M. Necker.Sur quel chapitre, Sire, me ramenez-vous-là ! J’ai eu de la haîne contre lui ; mais je ne ceſſai jamais de l’eſtimer.

Le Roi.Il avoit de grands talens.

M. Necker.Des talens tels que je ne connois que lui d’aſſez habile pour réparer tout le mal, ſi le mal eſt réparable. J’en ai une ſi haute opinion, que je ne balance pas à vous conſeiller de le rappeler.

Le Roi.Quoi ! c’eſt Necker qui me donne ce conſeil !

M. Necker.C’eſt le ſeul, peut-être, qui puiſſe me rendre quelque gloire.

Le Roi.Parlez-vous ſérieuſement ? Êtes-vous capable de cet effort de généroſité ?

M. Necker.Très-ſérieuſement. La haîne n’empêche pas les grands hommes de rendre juſtice à leurs plus cruels ennemis. Voltaire haïſſoit à la mort le critique Fréron ; mais il n’en convenoit pas moins que c’étoit le ſeul homme de goût qu’il y eût en France. Ce trait