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LE VIEUX MENDIANT

LE MENDIANT

Mais non, c’est beaucoup trop !… En mangeant de la sorte,
Je ne pourrais jamais repasser votre porte.

ROSE

Eh bien ! vous resterez !

LE MENDIANT (avec regret)

<poem>Eh bien ! vous resterez ! Oh ! non dans un instant…
Je partirai… (avec émotion) content… bien content… bien content !

ROSE

Vous pleurez maintenant ?… Séchez vite ces larmes !
Oubliez un moment vos prochaines alarmes !

LE MENDIANT

Oui !… c’est vrai… je pleurais !… Mais c’était de bonheur :
De voir tant de bonté, réchauffe mon cœur !

ROSE

Êtes-vous ainsi seul ?… sans soutien ?… sans famille ?

LE MENDIANT

Oh ! non ! J’ai quelque part, sur la terre, une fille,
Et je pourrai bientôt la serrer dans mes bras !

ROSE

Vous devez vous sentir alors le cœur moins las ?

LE MENDIANT

Oui, mais j’avais laissé, quittant cette patrie,
Deux filles aux côtés de ma femme chérie.
Ma femme est morte, hélas ! et quand j’ai retrouvé
Mes deux enfants, je fus encor bien éprouvé !
Sans doute, la plus jeune est toujours douce et bonne,
Mais l’autre… n’a pitié de rien… ni de personne !…
Elle est morte pour moi !

JEAN (après un temps)

Elle est morte pour moi ! Rose ! va donc chercher
La suite du souper.

LE MENDIANT (posant son bol et se levant)

La suite du souper. Merci ! Je dois marcher.
Il ne faut pas qu’ici plus longtemps je m’attarde…
Adieu, mes bons amis !… Que le Ciel vous garde !

ROSE

Vous ne pouvez ainsi partir en pleine nuit !
Attendez jusqu’au jour !