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LE VIEUX MENDIANT

Tu feras réchauffer les restes du dîner. (Rose sort)
Hélas ! c’est tout ce que nous pouvons vous donner,
Mais c’est de bien grand cœur !

LE MENDIANT (s’asseyant)

Mais c’est de bien grand cœur ! C’est trop ! Car, à mon âge,
Bien moins me suffirait pour reprendre courage.

JEAN

Mais débarrassez vous !… Vous serez plus à l’aise
En accrochant ce sac au dossier de la chaise.

LE MENDIANT

Ce sac ne me quitte jamais !… C’est mon seul bien.
Il n’y a rien dedans… ou, du moins, presque rien.
Il n’est pas bien pesant ! Souffrez que je le garde.

JEAN

Mais comme il vous plaira, car ceci vous regarde.
Je devine aisément qu’il ne doit contenir
Ni billets, ni valeurs !… Mais vous semblez venir
De loin ?

LE MENDIANT

De loin ?  Oui !… de bien loin !… J’ai voulu faire halte
En haut de cette rue… — où commence l’asphalte —
Une grande villa, presque un petit château,
S’y dresse fièrement, couronnant le côteau…
Une belle maison… mais l’hôte qui l’habite
N’est pas très accueillant, car en me voyant, vite,
Il m’a fermé la porte au nez !… Ceci n’est rien,
Mais un moment après, il a lâché son chien
Et je fus obligé, c’est bien ce qui m’embête,
De frapper du bâton le museau de la bête
Que son maître excitait et qui, sur mes talons,
S’obstinait à vouloir ronger mes pantalons.
Que voulez-vous ?… J’étais forcé de me défendre !

JEAN

Ces gens-là, je le sais, n’ont pas le cœur bien tendre.

LE MENDIANT

Vous les connaissez donc ?

JEAN

Vous les connaissez donc ? Oui, ce sont des parents
De ma femme.

LE MENDIANT

De ma femme. Mais vous êtes bien différents.

JEAN

Heureusement !