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Comme on sait à la cour, qu’une de ses plus douces jouissances, est d’être languayée[1], le galant Hinterbohrer se met à tous devoirs, et tâche, autant que sa propre position peut le permettre d’atteindre le sensible bijou.

Un seigneur italien voyageur, et qui est en visite chés le Prince, le comte Culamico, à portée de qui l’objet de son culte favori ne se présenta jamais sans qu’aussitôt il y fit une station dévote, ce comte s’est trouvé par hazard à portée de la belle Mappemonde du jeune Hinterbohrer, il s’y est faufilé par habitude ne prévoyant pas que l’illustre belle sœur du souverain pourrait avoir un moment de bonne volonté pour lui ; car c’est elle qui surprend notre italien par la faveur d’un baiser ; mais comme il est occupé, son altesse ne veut pas qu’il se dérange.

Ce qu’elle comptait lui demander, elle le reçoit de la part d’un poete de la cour, qui, tout en servant la sérénissime duchesse, chantourne dans sa tête un madrigal à la louange des attraits de la souveraine elle même, qui est cette folle qu’on voit gambader en haut sur une escarpolette. Cette princesse qui a carte blanche pour toutes les sottises qu’elle peut trouver bon de se permettre, a malgré cela pour son époux des égards, au point qu’en sa présence elle ne se permit jamais de donner la moindre atteinte à la décence conjugale. C’est d’après cet inébranlable principe que l’épouse, au lieu de se mêler parmi des fous chés qui l’on voit que la tête emporte le cu, s’est isolée, se bornant au plaisir délicat de planer en folichonant sur la lubrique assemblée.

Mde . de Bivia, disons-nous, cette première dame d’honneur que languaye l’attentif Hinterbohrer, est à son tour empalée par le grand Maréchal. On sait que dans une petite cour d’Allemagne, ce personnage est celui sur lequel roule tout le détail de l’intérieur. Exact observateur des moindres convenances, cet homme n’a pas manqué de faire à Mde . Bivia ce que son attitude lui paraissait exiger.

  1. Ce mot n’a pas besoin d’explication, quand on a sous les yeux notre tableau ; nous disons cependant pour les esprits bouchés qu’il est synonime de gamahucher, si commun quoique bien moins expressif.