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Lajoie. A vous faire comprendre qu’il y aurait folie de votre part à le regarder comme un parti pour vous…

Mlle. de Beaucontour. Il m’a promis…

Lajoie. Eût-il signé qu’il vous épouserait ? si vous ne renoncés à cette chimère, il n’y a plus qu’à vous retenir une place aux petites maisons…

Mlle. de Beaucontour. Je t’avoue pourtant, ma chère Lajoie, que je brûle de devenir (par le mariage s’entend) femme de qualité. Si j’étais riche, je ferais battre la caisse pour qu’on me déterrât, n’importe où, quelque comte ou marquis, ne fusse qu’un baron, bien endetté, bien verreux, qui, pour mon bien, me transmît son nom et ses titres.

Lajoie. Si vous aviés de la fortune, je vous conseillerais d’en faire un meilleur usage. L’homme titré que vous ambitionneriés, ne se serait guère ruiné de la sorte, sans avoir d’avance avili ce titre, ce nom qu’il vous ferait partager ; Quand à votre Vicomte : envain la nature vous a-t-elle accordé plus de beautés corporelles, plus de qualités charmantes qu’à nombre de souveraines (la nôtre toutefois exceptée) ; avec tout cela, mon cœur, le tems est passé où se faisait encore par-ci par-là quelque mariage à la Nanine. Cessés donc de rêver grandeurs. Si vous ne savés pas apprécier le sort d’une demoiselle à qui rien ne manque ; qui plutôt vit dans la plus grande aisance, dans la société la plus distinguée ; qui jouit d’une pleine liberté ; qu’une amie plutôt qu’une protectrice gâte sur tous les tons. S’il faut, en un mot, pour satisfaire votre imagination déréglée que de maitresse vous deveniés esclave, épousés moi, tout simplement, votre égal ; quelque gentilhomme verrier, tel que vos ayeux, quelque faiseur de livres, tel que votre cher pere. Il se trouvera des gens de ce calibre parmi les protégés de Mde. la Duchesse ; il ne s’agira que de le choisir bon diable, et assés sot pour que vous puissiés le mener par le nez.

Mlle. de Beaucontour. Non, non ; tout ou rien, un seigneur, ou rester libre.