Page:Nerciat - Félicia.djvu/143

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cher leur monde, qui s’était engagé sans permission. Ce contre-temps nous désespérait. On tint conseil ; monseigneur fut d’avis de retenir plutôt ces importuns que de nous laisser enlever nos dames ; et quoique ce parti fût désagréable, il passa néanmoins à la pluralité des voix. Mme  Dupré, qui n’aimait pas les assemblées nombreuses et n’avait d’abord consenti que par complaisance à être des nôtres, disparut au moment de se mettre à table ; la partie se détraquait d’autant plus que Lambert, qui devait partir le lendemain de grand matin pour une emplette de marbres, déclarait aussi qu’il se retirerait à minuit. Tout cela fut cause qu’il arriva des choses fort extraordinaires et qui valent bien la peine d’occuper un chapitre.




CHAPITRE XXI


Orgie.


Quand monseigneur se mettait d’une partie, on était sûr d’y trouver tout ce qui peut aiguiser et satisfaire les sens : il avait tout prévu. En un mot, tout était exécuté : son génie de fêtes faisait surtout des prodiges à l’occasion de l’impromptu dont il nous régalait. La chère était exquise. Les vins les plus rares, et en quantité, défiaient la soif et la curiosité des convives. Les quatre saisons, mises à contribution pour nos plaisirs, fournissaient à la fois à notre table des fleurs et des fruits, étonnés de s’y rencontrer. Ce que la présence incommode des deux Italiens nous ôtait de liberté tournant au profit de la gourmandise, on donna de bon appétit sur les services ; on but à proportion. Le père Fiorelli, sans éducation et vorace, pâturait, humait du vin avec indécence ; son camarade, plus jeune et très plaisant, fut délicieux pendant une partie du repas ; mais