Page:Nerciat - Félicia.djvu/168

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— « Eh bien ! mille dieux, dit en nous abordant celui qui paraissait être le chef de la bande, voyons ; qu’y a-t-il ici de nouveau ? Mort, non pas d’un diable, continua-t-il en se tournant du côté de ses compagnons, c’est une charretée de gibier ! Heureusement, elles sont jolies. Ventre-bleu, la belle aubaine ! Daubons là-dessus comme il faut, et que chacun de nous ait à m’imiter. — Je promets deux culbutes à chacune, répliqua l’un. Je suis, moi, homme à faire ma demi-douzaine, ripostait un autre. — Donnez-vous-en tant que vous voudrez, ajoutait un troisième, en se servant du mot propre, quant à moi, le cotillon me pue et je vais au solide. Or çà, larronnesses, fichez-moi le camp de là-dedans ; allons, preste, ou l’on vous en fera dénicher de la bonne manière…

Mais, comment faire ? Descendre dans le bourbier ? Nous en aurions eu jusqu’au ventre. — Pas de ça, interrompit l’un des drôles, il ne sera pas dit que je le fasse à des culs crottés, venez, mes princesses, grimpez-moi dessus ; à charge de revanche, sus, houp là… — La pauvre Sylvina plus morte que vive, se laissa descendre la première. Des épaules du porteur, elle passa tout de suite sous les bras du sergent, qui, remettant un court brûle-gueule dans la corne de son chapeau, se mit en devoir de lui appuyer un baiser enfumé ; elle jeta les hauts cris. On lui détacha un grand coup de pied au cul pour lui apprendre à faire la cruelle.

Un autre retint Thérèse par ses jupons, comme elle allait s’élancer par la portière opposée ; la beauté des appas que ce mouvement mit en évidence produisit une grande sensation. Certain air qu’elle avait, et dont j’ai déjà fait mention ailleurs, réunissait d’avance en sa faveur les suffrages des spadassins. Il n’y eut qu’un cri : À moi celle-ci. Je la veux. — À moi. — À moi. Elle se laissa mettre à terre sans résistance, et, tournant à son profit le coup de pied dont Sylvina venait d’être régalée, elle ne dit mot. Quant à moi, j’avais plus de colère que de peur. Mon tour venait, j’avais tiré tout doucement un couteau de ma poche et me tapissant dans mon coin, je menaçais, de poignarder le premier qui