Page:Nerciat - Félicia.djvu/275

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C’est elle, je n’en puis douter ; je l’ai reconnue, et je me suis fort trompé si elle ne m’a pas aussi reconnu. J’ai fait remarquer à Dupuis cette beauté dangereuse ; il a ordre de ne point la perdre de vue et de s’informer avec soin de sa demeure actuelle.

Je ne savais si je devais féliciter le comte ou le plaindre. Sa passion se rallumait ; mais elle ne pouvait devenir heureuse, puisqu’en supposant que Mme  de Kerlandec pût enfin consentir à épouser cet infortuné, il perdrait néanmoins tout le fruit de ce bonheur ; ses infirmités, sa faiblesse, lui interdisant, sous peine de mourir, les doux plaisirs du mariage.

Cependant Dupuis revint fort instruit. Mme  de Kerlandec habitait toujours le même hôtel et se fixait à Paris ; elle était de retour depuis peu d’un voyage, qui avait eu pour objet de retrouver plusieurs personnes auxquelles elle prenait le plus vif intérêt, mais dont elle n’avait rapporté aucunes nouvelles.

L’émissaire avait tiré fort adroitement tous ces détails du suisse, vieux babillard, toujours prêt à mettre le premier venu au fait de ce qu’il pouvait savoir des affaires de ses maîtres.

Dupuis fut fort applaudi du succès de son premier message et n’eut dès lors plus rien à faire qu’à servir l’insatiable curiosité du comte. Dupuis, afin d’être à même de mieux remplir son emploi, me demanda la permission d’entrer pour quelque temps au service de Mme  de Kerlandec, fit débaucher un de ses domestiques, et risqua de se faire proposer par le suisse, dont il s’était concilié la faveur en payant plusieurs fois bouteille. Tout cela lui réussit. Dupuis se disait sortant de chez milady Sydney, chez qui l’on pourrait s’informer de ses mœurs et de sa capacité.

Milady Sydney ! Ce nom piqua la curiosité de Mme  de Kerlandec, elle voulut entretenir Dupuis. Il connaissait assez milord Sydney, pour pouvoir le dépeindre à ne pas s’y méprendre. Il savait tout l’intérêt que ce seigneur prenait à moi, mais il savait en même temps que je n’étais point sa