Page:Nerciat - Félicia.djvu/32

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que les gens à préjugés ont la sottise de nommer des affronts. Il semblait, au peu de soin que Sylvino prenait de cacher ses épisodes, qu’il prît à tâche d’engager son épouse à s’en permettre. Mais il fallut bien du temps à celle-ci pour se résoudre à profiter de cette espèce de conseil ; en voici la raison : comme il faut toujours aux âmes sensibles quelque chose qui les occupe, Sylvina, dans son couvent, faute de mieux, était devenue dévote ; et, rendue au monde malgré l’inclination la plus décidée pour les plaisirs de toute espèce, elle s’occupait encore plus de son salut ; en un mot, elle avait pris un directeur. Ces sortes de gens excellent à s’emparer des jolies femmes qui font la sottise de leur accorder un certain degré de confiance. Celui de Sylvina était consommé dans l’art de tyranniser au nom de Dieu et de confisquer tôt ou tard les pénitentes à son profit. Il éloignait celle-ci de tout objet mondain, afin de l’occuper seul et de profiter du moment heureux où le tempérament devait enfin se révolter et jeter dans les bras d’un corrupteur spirituel celle qui aurait suffisamment détesté tout le reste des hommes. Le drôle voyait bien. Une femme jolie, fraîche, tendre, mécontente d’un mari volage, peu connue, et qui ne faisait point d’enfants ; Sylvina, enfin, au point où le sournois se proposait de l’amener, le friand morceau pour un saint homme !

— Prenez bien garde à vous, ma fille, lui répétait-il sans cesse. Le monde est rempli d’écueils ; Paris surtout, Paris est la capitale de l’enfer. Une âme pieuse est, à chaque pas, exposée aux embûches du démon. Elles y sont cachées sous mille fleurs. Méfiez-vous de ces amours perfides… Offrez au Tout-Puissant les infidélités de votre coupable époux… Que vous êtes belle ! qu’il est impardonnable de ne pas sentir tout ce que vaut le bien dont il est possesseur ! Mais a-t-il du moins de la religion ? — Non, par malheur, répondit Sylvina, c’est à Rome même que l’aveugle s’est accoutumé à la braver. Il méprise toutes pratiques pieuses, quiconque y est adonné. — L’impie ! l’athée ! répliquait le cafard, gardez-vous, sous peine de damnation, de vous livrer à ses