Page:Nerciat - Félicia.djvu/321

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pour m’intéresser. Mais point du tout. Douée d’un caractère heureux, une longue communication avec une hétéroclite ne l’a point gâtée. J’ai fait comme César : je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. Le mariage a été bientôt conclu ; ç’a justement été le vilain esprit de la tante qui m’a porté bonheur. Elle était si contraire à mes prétentions ; elle voulait qu’on me fît subir des examens si rigoureux, qu’on réunît sur mon compte tant d’instructions, que pour la narguer, on a brusqué les affaires, et cela n’a pas été malheureux pour moi. La petite marquise a de l’esprit et des talents ; elle danse, elle sait la musique. Elle a lu ; mais surtout, elle a toutes les dispositions possibles à devenir bientôt, avec l’aide d’un talent merveilleux que j’ai pour former les femmes, l’une des plus aimables et des plus propres à faire honneur à un époux à ses risques et périls.

« Tout de bon, je trouve que c’est une assez jolie chose que le mariage. Ma petite femme, toute prête à adorer le premier objet qui se présenterait, n’a rien eu de plus pressé que de m’adorer, et je crois, ne vous en déplaise, que je l’adore aussi. Nous rions, nous faisons des folies d’enfants, et surtout beaucoup d’autres folies ; car, à certains égards, je suis parfaitement bien tombé. Que j’aime une femme attachée à ses devoirs ! Puisse ma chère moitié remplir ceux qui se succéderont par la suite, dans la carrière du mariage, aussi bien qu’elle s’efforce maintenant de remplir les premiers. Aussi, suis-je d’une fidélité… Je vois tous les jours, sans l’ombre d’une tentation, une fille charmante qui la sert et deux ou trois parentes angéliques, chez qui la première faveur de la vertu conjugale est fort ralentie, et qui ne demanderaient sans doute pas mieux que de se distraire un peu d’une ennuyeuse monogamie. Concevez-vous cette conversion ? n’est-elle pas digne d’occuper les deux trompettes de la Renommée ? »

D’Aiglemont me demandait ensuite de mes nouvelles et de celles de Sylvina. Je ne lui avais presque point écrit ; il ignorait une partie de ce qui nous était arrivé. Il s’informait aussi du comte, dont il avait toujours souhaité la fin,