parle comme il serait à souhaiter qu’on parlât de bonne heure à tout ton sexe ; bien des femmes seraient faites pour ne pas abuser de ces principes. Les femmes semblent n’être nées que pour aimer et être aimées : cependant jamais on ne leur dit les vérités qui sont du ressort de leur état. On exige d’elles des combats pénibles contre elles-mêmes, une résistance ridicule envers nous : pendant ces délais, les beaux jours s’écoulent, les roses se flétrissent. Ainsi, prudes à l’âge de la galanterie, galantes quand elles n’ont plus de charmes, et consumées de regrets le reste de leur vie, la plupart des femmes n’ont point eu une véritable existence. En un mot, il te faut de l’amour, des plaisirs. Varie-les avec délicatesse ; mais que leur illusion ne te fasse pas oublier d’amasser, pendant tes belles années, des ressources pour les années stériles. Souviens-toi de ces conseils ; ils sont faciles à suivre, et si tu veux en faire la base de ta conduite, je te prédis que tu seras une des plus heureuses femmes de ton siècle. M’as-tu bien compris ? — À merveille, mon cher oncle, dis-je, en lui témoignant par mes caresses combien je goûtais sa morale, Que je suis heureuse, ajoutai-je, de trouver dans vos idées tant d’analogies avec celles qui me sont naturelles… Il m’interrompit pour me dire que, sans la disproportion de nos âges et le préjugé sérieux de ses rapports avec moi, il aurait brigué l’honneur d’être le premier à qui je dusse la première leçon du plaisir de l’amour. « Mais, ajouta-t-il, un pacte entre l’autorité et l’obéissance serait suspect. Même ne partant pas, je me permettrais à peine de profiter de la bonne volonté que tu pourrais faire l’effort d’avoir pour moi. Tu dois à l’amour le premier bouton de ton printemps. » Je faillis répliquer : « Je le dois à l’estime, à la reconnaissance et à vous. » Mais Sylvino ne sortait pas de son rôle sérieux ; il m’en imposait… Je ne dis rien.