Page:Nerciat - Félicia.djvu/71

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visage, des regards… — Petite malheureuse, me dit-elle, s’emparant d’un de mes bras et le secouant avec fureur, venez, dites-moi ce que vous avez fait cette nuit. — Un coup de foudre n’aurait pas été plus terrible pour moi. Je pâlis… je faillis à me trouver mal. — « Parlez sans détour : je veux être instruite ; avouez sur-le-champ votre équipée, sinon je vais vous envoyer de ce pas dans un lieu où vous aurez tout le temps de pleurer votre détestable libertinage. » Je n’hésitai pas, après cette menace, qui peignit à l’instant à mon imagination des malheurs pires que la mort. J’embrassai les genoux de Sylvina et les baignai de larmes. — Hélas ! ma chère tante, dis-je, pénétrée de douleur et pouvant à peine articuler, si vous savez de quelle faute je puis être coupable, épargnez-moi la honte de vous l’avouer. — Ce n’est pas de votre faute qu’il s’agit, effrontée ; elle n’est que trop évidente à mes yeux : c’est le nom de votre indigne complice qu’il faut que vous me confessiez sur l’heure. À qui appartient cette montre que j’ai trouvée ce matin accrochée au dossier d’un lit écroulé et tout souillé de votre infamie ?… Serait-ce par hasard ce petit gredin de Belval que je soupçonnais dès longtemps, et qui enfin… — M. Belval, ma tante ! (Malgré mon humiliation, je dis cela d’un ton piqué, qui voulait presque dire : M. Belval n’est pas mon fait…) — Et qui donc ? (Elle bouillait d’impatience et de colère et martyrisait mon bras). — Eh bien, ma tante… — Eh bien ? — M. le chevalier. — M. d’Aiglemont ? — Oui, ma tante. — Les indignes ! En même temps, je suis repoussée d’un coup qui me jette presque à bas, la montre est brisée sur le parquet ; et Sylvina tombe furieuse dans une chaise longue, où, la tête inclinée et les poings fermés contre les yeux, elle demeure quelques minutes sans proférer une parole…

J’étais debout dans un coin, consternée, les yeux noyés de larmes, à qui je n’osais donner l’issue ; j’attendais en tremblant ce qui pouvait m’arriver quand ma tante sortirait de ses sombres réflexions. La porte s’ouvrit, on annonça M. le chevalier d’Aiglemont. Il suivait de si près qu’à peine