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ELLE A BIEN FAIT.


Célestine. — C’est le cas de dire que les armes sont journalières ; mais trois coups, cela n’a pas dû être si long !

Madame Durut. — Non ; mais il fallait bien se parler ensuite. Et puis, comment m’en aller ? Mon drille restait planté là,

    en passant. Certain jour de carnaval, au temps où chez le peuple on se masquait pendant quelques jours pour s’amuser, comme maintenant on est déguisé toute l’année pour commettre des crimes, certaine nuit, disons-nous, madame Durut s’étant fourvoyée à la Courtille, elle eut le bonheur, ou le malheur, de tomber sous la main de six chie-en-lit qui s’étaient défiés, trois contre trois, à qui le ferait en honneur, le plus de fois à une femme. Madame Durut rechigna bien d’abord un peu contre son élection forcée ; cependant, de peur d’essuyer quelque insulte, elle se soumit ; bientôt elle prit goût à la chose, et servit les deux partis avec une chaleur, une égalité, qui font tout l’honneur possible à son caractère. Il se trouva que trois de ces messieurs, qui n’étaient que des dragons, l’eurent solidairement dix-sept fois, mais les trois autres, plus importuns, la prirent vingt-deux fois en tout à la même épreuve. Ceux-ci étaient de jeunes carmes échappés du noviciat, et qui le lendemain devaient prendre la cocarde. Toute cette débâcle (tant madame Durut s’évertua pour sortir plus vite d’affaire) ne dura que de onze heures du soir jusqu’à sept heures du matin. Madame Durut avoue qu’elle rentra chez elle un peu fatiguée ; cependant, elle observa qu’elle l’eût peut-être été davantage si elle n’eût fait que de danser avec la fureur qu’elle mettait alors à cet exercice. Au surplus, elle ne parle de cette aventure que comme d’une erreur du moment, mettant, comme toutes les femmes délicates, la qualité dans ce genre fort au-dessus de la quantité.

    (Note de l’Éditeur.)