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QU’ON ME CHANGE CES TÊTES !

L’Étranger (à part). — Ouf ! (À madame Durut.) Parlez sans énigme, ma chère Durut.

La Durut. — C’est qu’il avait une femme… (L’étranger tressaille.) Elle vient de mourir.

L’Étranger (à part). — Je respire.

La Durut. — Vous concevez bien qu’avec un bon cœur on éprouve toujours…

L’Étranger (avec crainte). — Il l’aimait beaucoup, apparemment ?

La Durut. — Oui, par reconnaissance[1] : elle était extrêmement riche.

  1. La marquise de Limefort était une Hollandaise plus âgée que son époux et qui, lorsque les Hollandais commencèrent à se désunir, avait transporté chez nous plus des trois quarts d’une grande fortune réalisée en excellents papiers, en diamants et en ducats. Galante, cette dame avait accroché le marquis, serviteur essentiel, honnête ami, pauvre et méritant un meilleur sort. Elle l’avait épousé, non pour posséder cet homme exclusivement et le convertir en mari fidèle, mais pour jeter sur ses propres fredaines un voile décent. Sur ce pied, le couple vivait dans une union parfaite. Madame de Limefort, d’une pétulance étonnante chez une femme de son pays, abusait un peu trop de son esprit fort, de sa constitution robuste et du genre de vie masculin qu’elle préférait à celui qui sied mieux à son sexe. Au retour d’une partie de chasse fort vive où elle s’était considérablement échauffée (les malins ajoutent : de plusieurs manières), elle eut le malheur de se refroidir. Une fluxion de poitrine survint qui lui fit plier bagage au bout de quatre jours. — Avis à nos aimables folles.