faute de matériaux qu’il me convienne de laisser
un autre lier son monument aux pierres d’attente
du mien : au contraire, bien plutôt, mes
chers amis, serais-je dans le cas de m’appliquer
ce mauvais vers :
Pour avoir trop à dire… je me tais.
Mais, pendant plus de dix ans qui se sont écoulés depuis que j’ai cessé d’écrire[1], tout ce que j’ai pu me permettre d’agréables folies, ressemble si bien à ce que vous connaissez déjà, que j’ai cru devoir vous épargner des redites. J’ai beaucoup voyagé ; mais, que fait un nouvel auteur de voyages ? répéter, s’il est véridique, ce qu’un autre, aussi bon observateur, aura dit avant lui, mieux ou plus mal, des mêmes objets remarquables. J’ai lu aussi dans les cœurs plus à fond que du temps où j’écrivais pour la première fois ; mais mes notes n’ayant pas été toutes gaies et à l’avantage de l’espèce humaine, et mon esprit n’étant d’ailleurs nullement enclin à la satire, j’ai fait vœu de ne rien peindre de
- ↑ La plus ancienne édition qu’on connaisse des Fredaines étant de 1778, il paraît que Félicia reprit la plume pour écrire ce second ouvrage environ en 1788 ou au commencement de 89 ; c’est-à-dire très-peu de temps avant la fameuse révolution. (Note de l’éditeur.)