Page:Nerciat - Monrose, 1871.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
MONROSE


jolies femmes qui le veulent bien ; ce qui vaut mieux sans doute pour elles que de périr. Le roman de madame de Belmont était surtout un affreux tissu d’innocentes horreurs.

« Une abbesse de haut rang, esprit fort, avait séduit, âgé de seize ans, le fils naturel dont elle était autrefois accouchée : une fille était le fruit de cet inceste. Lucette, secrètement élevée chez des gens du peuple, mais n’ayant point été négligée, fut retirée de là dès qu’elle eut quatorze ans. Dans un bienfaiteur jeune encore et séduisant, elle était bien éloignée de soupçonner un père ; elle espérait plutôt d’y rencontrer un époux. Le premier homme pour lequel avait parlé son cœur triompha sans effort d’une raison qu’on n’avait armée d’aucun préjugé. Lucette, presque aussitôt amante que protégée, donna bientôt aussi des signes de sa prochaine maternité. Sur ces entrefaites, ce père, ce frère méconnu, ce protecteur, cet amant tomba dangereusement malade ; la Faculté lui signifia l’arrêt d’une mort inévitable. Il était riche, ayant été joueur adroit, habile et rusé spéculateur, ayant, en un mot, pratiqué avec un extrême bonheur le système du rem, quocumque modo rem d’Horace[1] : il lui restait donc un moyen de réparer

  1. Du bien, à quelque prix que ce soit, du bien.