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MONROSE


dessus. (Comme tout cela m’étonnait !) — Vous êtes bien Française, madame ! riposte l’agresseuse ; une Italienne à qui j’en aurais dit autant qu’à vous, me ménagerait et ne me ferait pas rougir devant un étranger. — Un étranger, encore ! vous n’avez pas le sens commun, Nicette : le chevalier est mon amant ; nous nous aimons à la folie ! »

« Je ne sais qui de Nicette ou de moi fut le plus assommé de cette indiscrétion gratuite. La virtuose, furieuse, frappe du pied, étend avec bruit ses bras élevés contre la muraille, et s’y colle la face. L’instant d’après, elle veut sortir brusquement ; je m’y oppose, craignant que, dans un premier mouvement, elle ne fasse la folie de retourner à Paris compromettre, auprès de M. de Moisimont, son épouse étourdie. Je saisis Nicette avec les ménagements qu’on doit à ses habits ; nous lui parlons raison ; enfin, elle paraît l’entendre.

« — Vous êtes bien bons tous deux, dit-elle, plus maîtresse d’elle-même et nous serrant les mains. Hélas ! voilà comme je suis : je ne sens rien à demi ; la nature, en m’accordant deux sexes, m’a départi double dose d’âme et de passions. Homme ou femme, j’en aurais trop de la moitié. Quand un climat ardent m’a vu naître,