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MONROSE


une différence d’âges d’à peu près dix ans, le frère en ayant bientôt vingt-six, la sœur venant d’en avoir seize. Celle-ci était une grande et mince blonde, aux longs yeux bleus, jolie comme l’Amour. Si ceux qui ont bâti et peuplé le ciel, avaient été assez galants pour imaginer des anges féminins, ils auraient nécessairement pris pour modèle Aglaé : il ne lui manquait que des ailes. On soupçonnait madame sa mère d’avoir apporté l’ébauche de ce chef-d’œuvre en dot, au père Saint-Amand, à la suite d’une passion avec… milord Bentley, ce même enthousiaste de peinture qui fut le compagnon du dernier voyage de l’infortuné Sylvino. Saint-Amand fils, réellement du crû, était un très-beau garçon, à peu près de la coupe de Monrose, mais moins distingué, moins aérien. Toutefois il avait su me charmer par un grand talent de peintre, par beaucoup d’originalité, par un précieux fonds de droiture, de tendresse, et par des moyens de prouver son amour qui ne le cédaient guère à ceux de l’étonnant Monrose. L’artiste, en un mot, était, dans son genre, aussi fait pour plaire que le militaire dans le sien. C’est à regret, cher lecteur, que je suis entrée dans tous ces détails, qui d’ailleurs ont l’air de me faire partager la scène ; mais vous reconnaîtrez que je ne pouvais vous épargner tout cela.