Aller au contenu

Page:Nerciat - Monrose, 1871.djvu/754

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
MONROSE


traliser chez eux cette gaîté, cette liberté qui, sous différentes formes, étaient l’essence de leur caractère. Cependant sir Georges nous cultivait tous avec assez de soin ; nous en usions bien à son égard. Quand on n’est pas un sot, on est toujours souffert des honnêtes gens aussi longtemps qu’on sait demeurer en mesure avec eux. L’Anglais semblait se contenter de ce point d’équilibre, essentiellement important à saisir pour un homme qui, tel que lui, a choisi dans la société le rôle d’observateur.

Mais qu’est-ce qu’un observateur ? Il y en a de deux espèces. On ne peut certainement priser ni rechercher assez celui qui, très-attentif à tout ce qui l’entoure, et semblable à l’abeille, se plaît à voltiger sur les fleurs du monde aimable, afin de lui dérober ses aromates et de les lui restituer dans un miel épuré. Cet observateur est ordinairement doux, modeste, affable, tolérant ; il attire comme il est attiré. Mais ce n’était point sur cet être non moins intéressant qu’estimable que la nature avait modelé sir Georges. Il était, lui, misanthrope anticipé, cherchant querelle aux usages et même aux plaisirs dont son âge le rendait avide ; commençant par jouir de tout, il se démontrait ensuite par des raisonnements bien philosophiques que