Page:Nerval - Élégies nationales et Satires politiques, 1827.djvu/114

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Croit-on qu’un orateur, qu’on place entre deux feux,
Quand il a bien parlé, n’ait pas le ventre creux ?
Lorsque j’ai mal dîné, ma voix en est aigrie ;
Comme mon estomac, ma conscience crie :
Qui pourra l’apaiser ?… Est-ce pour de tels mets,
Que j’ai de tout Paris bravé les quolibets ;
Que, séduit par l’espoir d’un repas aussi mince,
J’ai trompé tous les vœux que formait ma province !
Et sur tant de sujets pour calmer mon effroi,
Corbleu ! monsieur le chef, des lentilles à moi !
On ne m’aurait pas fait une pareille injure
Dans les obscurs dîners d’une sous-préfecture.
Quand, nourrissant l’espoir d’un dîner bien complet,
J’avais, avant d’entrer, desserré mon gilet,
À de pareils affronts aurais-je dû m’attendre ?

(À M. Dentscourt, qui veut sortir.)

Restez, monsieur le chef, restez ! Il faut m’entendre !
Quoique mauvais chrétien, par l’odeur excité,
J’avais dit hautement mon bénédicité ! —
Et ces dîners encor, qu’aidé de ses complices,
Monseigneur, l’autre jour, rogna de deux services !…
N’est-ce pas conspirer contre notre estomac ?
Nous avons trop long-temps supporté ce micmac :
De sorte que, pour prix d’un généreux courage,
Nous nous voyons réduits à trois, pour tout potage.