Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/28

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homme a un double, et que, lorsqu’il le voit, la mort est proche. — Je fermai les yeux et j’entrai dans un état d’esprit confus où les figures fantasques ou réelles qui m’entouraient se brisaient en mille apparences fugitives. Un instant, je vis près de moi deux de mes amis qui me réclamaient, les soldats me désignèrent ; puis la porte s’ouvrit et quelqu’un de ma taille, dont je ne voyais pas la figure, sortit avec mes amis que je rappelais en vain. — Mais on se trompe ! m’écriais-je, c’est moi qu’ils sont venus chercher et c’est un autre qui sort ! Je fis tant de bruit que l’on me mit au cachot.

J’y restai plusieurs heures dans une sorte d’abrutissement ; enfin, les deux amis que j’avais cru voir déjà vinrent me chercher avec une voiture. Je leur racontai tout ce qui s’était passé, mais ils nièrent être venus dans la nuit. Je dînai avec eux assez tranquillement ; mais, à mesure que la nuit approchait, il me sembla que j’avais à redouter l’heure même qui, la veille, avait risqué de m’être fatale. Je demandai à l’un d’eux une bague orientale qu’il avait au doigt et que je regardais comme un ancien talisman, et, prenant un foulard, je la nouai autour de mon cou, en ayant soin de tourner le chaton, composé d’une turquoise, sur un point de la nuque où je sentais une douleur. Selon moi, ce point était