Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/93

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une treille, dans un petit village des environs de Paris ; une femme vint chanter près de notre table, et je ne sais quoi, dans sa voix usée mais sympathique, me rappela celle d’Aurélia. Je la regardai : ses trait mêmes n’étaient pas sans ressemblance avec ceux que j’avais aimés. On la renvoya, et je n’osai la retenir, mais je me disais : — Qui sait si son esprit n’est pas dans cette femme ! et je me sentis heureux de l’aumône que j’avais faite.

Je me dis : — J’ai bien mal usé de la vie, mais, si les morts pardonnent, c’est sans doute à condition que l’on s’abstiendra à jamais du mal, et qu’on réparera tout celui qu’on a fait. Cela se peut-il ?… Dès ce moment, essayons de ne plus mal faire, et rendons l’équivalent de tout ce que nous pouvons devoir. — J’avais un tort récent envers une personne ; ce n’était qu’une négligence, mais je commençai par m’en aller m’excuser. La joie que je reçus de cette réparation me fit un bien extrême ; j’avais un motif de vivre et d’agir désormais, je reprenais intérêt au monde.

Des difficultés surgirent : des événements inexplicables pour moi semblèrent se réunir pour contrarier ma bonne résolution. La situation de mon esprit me rendait impossible l’exécution de travaux convenus. Me croyant bien portant désormais, on devenait plus exigeant, et, comme j’avais