Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/228

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SONNET.


Las ! où est maintenant ce mespris de fortune ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honneste désir de l’immortalité,
Et ceste belle flamme au peuple non commune ?

Où sont ces doux plaisirs qu’au soir, sous la nuit brune
Les muses me donnoient, alors qu’en liberté,
Dessus le verd tapis d’un rivage écarté,
Je les menois danser au rayon de la lune ?

Maintenant la fortune est maistresse de moi,
Et mon cœur, qui souloit estre maistre de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuyent :

De la postérité je n’ai plus de souci,
Ceste divine ardeur, je ne l’ai plus aussi,
Et les muses de moi, comme estranges, s’enfuyent.