Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/311

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Et de qui le courrage, abbrrant la vengeance,
D’un volontaire oubli noie en sa souvenance
Les torts qu’il a reçus et les biens qu’il a faits !

Cet homme là ressemble à ces belles olives
Qui du fameux Jourdain bordent les vertes rives,
Et de qui nul hiver la beauté ne destruit :
Les ruisselets d’eau vive autour d’elles gazouillent ;
Jamais leurs rameaux verts leur printemps ne despouillent ;
Et toujours il s’y trouve ou des fleurs ou du fruit.

Nul effroi, nulle peur en sursaut ne l’éveille :
Endormi, Dieu le garde ; éveillé, le conseille ;
Conduit tous ses desseins au port de son désir :
Puis fait qu’en terminant son heureuse vieillesse,
Ce qu’il semait en terre avec peine et tristesse,
Il le recueille au ciel en repos et plaisir.

Il n’en va pas ainsi de celui qui mesprise
Et la loi du Seigneur et la voix de l’Église,
Soi-mesme étant son dieu, son église et sa loi :
Sa plus parfaite joie en douleurs est féconde ;
Et, bien qu’il semble avoir son paradis au monde,
Il porte, malheureux, son enfer dedans soi.

Ni pompe, ni grandeur, ni gloire, ni puissance,
Ne sçauroient détourner le glaive de vengeance