Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/328

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Puis que vivant ici de nous on ne fait conte,
Et que nostre vertu engendre nostre honte.
Doncq’ par d’autres moyens à la cour familiers,
Par vice, ou par vertu, acqueronsjdes lauriers,
Puis qu’en ce monde ici on n’en fait différence,
Et que souvent par l’un l’autre se récompense.
Apprenons à mentir, mais d’une autre façon
Que ne fait Calliope, ombrageant sa chanson
Du voile d’une fable, afin que son mystère
Ne soit ouvert à vous, ni cognu du vulgaire.
Apprenons à mentir, nos propos desguiser,
A trahir nos amis, nos ennemis baiser ;
Faire la Cour aux grands, et dans leurs antichambres,
Le chapeau dans la main, nous tenir sur nos membresj
Sans oser ni cracher, ni toussir, ni s’asseoir,
Et, nous couchant au jour, leur donner le L soir.
Car puis que la fortune aveuglement dispose
De tout»’peut estre enfin aurons-nous quelque chose
Qui pourra destourner l’ingrate adversité {
Par un bien incertain à testons débité,
Comme ces courtisans qui, s’en faisant accroire,
N’ont point d’autre vertu, sinon de dire, Voire»
Or, laissons doncq’4a muse, Apollon, et ses Vers ;
Laissons le luth, la lyre, et ces outils divers