Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/336

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Et non la qualité, qui rend les choses bonnes,

Or, sans me tourmenter des divers appétits,
Quels ils sont aux plus grands, et quels aux plus petits,
Je te veux discourir comme je trouve estrange
Le chemin d’où nous vient le blasme et la louange,
Et comme j’ai l’esprit de chimères brouillé
Voyant qu’un More noir m’appelle barbouillé,
Que les yeux de travers s’offencent que je lorgne,
Et que les Quinze-vingts disent que je suis borgne.

Mon oncle m’a conté que, monstrant à Ronsard
Tes vers estincelants et de lumière et d’art,
Il ne sceut que reprendre en ton apprentissage,
Sinon qu’il te jugeoit pour un poète trop sage.

Et ores au contraire on m’objecte à péché
Les humeurs qu’en ta muse il eust bien recherché.
Aussi je m’esmerveille, au feu que tu recelles,
Qu’un esprit si rassis ait des fougues si belles :
Car je tiens, comme lui, que le chaud élément
Qui donne ceste pointe au vif entendement,
Dont la verve s’eschauffe, et s’enflamme de sorte
Que ce feu dans le ciel sur les aisles remporte,
Soit le mesme qui rend le poète ardent et chaud,
Subject à ses plaisirs, de courage si haut,
Qu’il mesprise le peuple et les choses communes,