Page:Nerval - Choix des poésies de Ronsard, 1830.djvu/340

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Et donnoit place au ciel à vostre fantasie.
La lampe de son front partout vous esclairoit,
Et de toutes frayeurs vos esprits asseuroit ;
Et, sans penser aux biens où le vulgaire pense,
Elle estoit vostre prix et vostre récompense :
Où la nostre aujourd’hui qu’on révère ici bas,
Va la nuict dans le bal, et danse les cinq pas,
Àlonte un cheval de bois, fait dessus dés pommades ;
Talonne le genêt et le dresse aux passades ; ’
Chante des airs nouveaux, invente des balets,
Sçait escrire et porter ^es vers et les poulets ;
A l’œil tousjours au guet pour des tours de souplesse ;
Glose sur les habits et sur la gentillesse ;
Se plaist à l’entretien, commente les bons mots,
Et met à mesme prix les sages et les sots.
Et ce qui plus encor m’empoisonne de rage,
Est quand un charlatan relève son langage,
Et, de coquin, faisant le prince revestu,
Bastit un paranymphe à sa belle vertu ;
Et qu’il n’est crocheteur, ni courtaut de boutique,
Qui n’estime à vertu l’art où sa main s’applique ;
Et qui, paraphrasant sa gloire et son renom,
Entre les vertueux ne veuille avoir du nom.
Voilà comme à présent chacun l’adultériso,
Et forme une vertu comme il plaist à sa guise.